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  • Photo du rédacteurJérôme Foguenne

Projet "Mentorat"


Enseignants chercheurs: Huart Johanne, Leduc Laurent, Laurent Nathanaël, Dispas Céline, Parlascino Emmanuelle, Lambert Isabelle, Vieujean Anne-Catherine, Compère Fabienne, Siquet Aurore, Verpoorten Dominique


Le mentorat par les enseignants des étudiants de première année: trois dimensions au service de la transition dans le cadre du projet POLLEM du Pôle académique Liège-Luxembourg





Résumé

En Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique (FWB), où les institutions d’enseignement supérieur sont rassemblées géographiquement en Pôles académiques, neuf institutions du Pôle académique Liège-Luxembourg ont démarré conjointement en 2019 un programme de mentorat par les enseignants à destination des étudiants de première année. Ce programme, nommé POLLEM, accompagne les étudiants en considérant ceux-ci dans leurs dimensions académique, professionnelle et personnelle. Cette approche tridimensionnelle constitue un atout dans la mesure où elle favorise l’aiguillage des étudiants vers les services transversaux des institutions. Par ailleurs, une recherche qualitative récente de Malen et Brown (2020) a montré qu’elle était appréciée des étudiants. Recourant à une démarche quantitative, la présente étude approfondit ces travaux en montrant que non seulement les étudiants apprécient le mentorat, mais aussi qu’ils considèrent que celui-ci favorise leur bien-être, leur réussite et leur persévérance. Par ailleurs, des régressions linéaires multiples révèlent, d’une part, que considérer les étudiants en 3 dimensions prédit en effet l’appréciation du mentorat et, d’autre part, que la fréquence à laquelle les étudiants rapportent avoir abordé leurs représentations professionnelles et ce qu’ils vivent en dehors des études prédit significativement tant l’appréciation du mentorat que ses bénéfices perçus en termes de bien-être et de persévérance. Ainsi, le mentorat par des enseignants recourant à une approche tridimensionnelle des étudiants constitue un outil apprécié des étudiants, dont il favorise la transition dans l’enseignement supérieur.

Mots clés : mentorat par les enseignants, transition secondaire-supérieur, First-Year experience



Le mentorat par les enseignants des étudiants de première année: trois dimensions au service de la transition dans le cadre du projet POLLEM du Pôle académique Liège-Luxembourg

Introduction

La première année des études supérieures ayant une influence considérable sur la poursuite des études et leur réussite, la recherche s’est considérablement penchée sur les facteurs pouvant impacter la réussite et la persévérance en première année ainsi que sur les facilitateurs de la transition. Le Centre de Didactique de l’Enseignement Supérieur (CDES) du Pôle académique Liège-Luxembourg, chargé notamment de former et conseiller les enseignants de première année, s’est engagé dans la mise en œuvre d’un projet mobilisant l’un de ces facilitateurs en particulier, le mentorat par les enseignants, faisant écho aux résultats d’une enquête portant sur les parcours de réussite des étudiants du supérieur en FWB[1]. En effet, cette étude mettait en lumière la prééminence, selon les sondés, de l’utilité perçue pour la réussite d’une relation privilégiée, informelle et soutenante avec un enseignant à la fois bienveillant (en ce qu’il comprend et encourage) et expert (en ce qu’il connait tant le domaine que l’institution et le cursus). Si le mentorat par les enseignants est un dispositif s’approchant au plus près d’une telle description, il est peu proposé aux étudiants de première année (Johnson, 2015). Pourtant, la recherche a mis en évidence l’impact de celui-ci sur maints facteurs favorisant la persévérance et la réussite, dont le bien-être, de même que sur la rétention et la réussite en tant que telles. Une récente méta-analyse de Sneyers et De Witte (2018), comparant l’efficacité du mentorat par les enseignants à celle des aides financières et de la probation académique, a ainsi montré qu’elle était supérieure à la fois pour la réussite et contre l’abandon des étudiants de première année. A l’initiative du CDES, ce programme de mentorat par les enseignants des étudiants de première année du supérieur, le POLLEM (Pôle académique Liège-Luxembourg Expérience Mentorat) a démarré dans neuf institutions à la rentrée académique 2019-2020 et continue de s’y développer.

Le mentorat du POLLEM

S’il existe plusieurs définitions du mentorat, le POLLEM s’est basé sur Johnson (2015) pour définir celui-ci comme une relation suivie de soutien, conseil, réassurance, coaching, mise au défi, etc. visant à soutenir la réussite académique, personnelle et professionnelle de l’étudiant. Concrètement, l’enseignant rencontre les étudiants qu’il mentore dès le début de l’année académique et à plusieurs reprises au cours de celle-ci, idéalement en colloque singulier. Au regard de la spécification des compétences du mentor proposée par cet auteur, il est en particulier recommandé aux enseignants dans ce cadre de s’intéresser à ce que les étudiants expriment quant à leurs études, leurs aspirations professionnelles et leur vie privée, d’adopter une attitude empathique et bienveillante, ou encore de proposer aux étudiants un réseau de personnes ressources au sein de l’institution. Conjuguant principalement les modèles de mentorat que Jacobi (1991) nomme « modèle du soutien social » et « modèle de l’intégration académique et sociale », le mentorat du POLLEM est de nature à impacter l’expérience institutionnelle et l’intégration académique de l’étudiant, éléments centraux du modèle d’attrition de Tinto (1993).

Aborder l’étudiant en 3D : quelles plus-values ?

Un premier atout de cette perspective tridimensionnelle adoptée dans la relation à l’étudiant par un mentor du POLLEM est qu’elle permet à ce dernier de jouer un rôle d’aiguillage vers les services transversaux de l’institution tels que les services d’aide à la réussite, d’orientation et d’aide sociale ou vers des dispositifs de rattrapage existants dans certaines matières. Servant ainsi de liant à l’ensemble des services internes à l’institution, le mentorat par les enseignants favorise une capitalisation de leurs effets qui réduit d’autant la nécessité de recourir à des dispositifs externalisés. Comme le met en lumière une récente analyse du contenu de lettres d’étudiants à leurs mentors (Malen & Brown, 2020), un autre atout de la tridimensionnalité tient au fait que les étudiants apprécient que leur mentor reconnaisse que les études représentent une portion de leur vie, et que leur parcours d’étudiants, ce qu’ils vivent à titre personnel et leurs aspirations professionnelles sont inextricablement liés.

Dans la mesure où une particularité du POLLEM est qu’il se fonde sur une approche evidence-based, nous avons eu recours à une démarche quantitative pour approfondir les travaux de Malen & Brown (2020) et vérifier que l’appréciation du dispositif par les étudiants était en effet impactée par les dimensions abordées lors des échanges avec leur mentor. Par ailleurs, nous avons cherché à savoir si les étudiants percevaient un bénéfice à aborder ces différentes dimensions, à la fois en termes de bien-être, de réussite et de persévérance.

Méthode

Participants

A l’issue de chaque année académique, un questionnaire en ligne a été envoyé aux étudiants du POLLEM. En 2019-2020, 134 étudiants mentorés l’ont complété en tout ou en partie. En 2020-2021, 222 étudiants mentorés ont fait de même.

Procédure et instrumentation

Au moyen de 3 échelles de Likert en 7 points allant de jamais à toujours, les étudiants devaient indiquer la mesure dans laquelle, au cours des échanges avec leur mentor, ils avaient abordé les dimensions académique, professionnelle et personnelle. Au moyen d’échelles similaires allant de pas du tout à énormément et de très négative à très positive, il leur était de surcroit demandé d’indiquer à quel point ces contacts leur avaient apporté quelque-chose ainsi que la valence qu’ils accordaient à l’expérience. En 2020-2021, des items supplémentaires ont évalué via des échelles de Likert en 5 points la mesure dans laquelle les étudiants considéraient que le mentorat avait diminué ou augmenté leur charge de travail, leur bien-être, leurs notes et leur persévérance. Soustraire les réponses au premier item des réponses aux trois autres permet d’obtenir une mesure des coûts-bénéfices perçus du mentorat sur les trois derniers facteurs.

Approche statistique

Premièrement, une corrélation de Pearson a été calculée pour les items relatifs aux apports et à la valence de l’expérience afin de voir s’ils pouvaient être agrégés en une variable « appréciation du dispositif ». Afin d’interpréter la positivité de cette variable ainsi que la fréquence à laquelle les dimensions académique, professionnelle et personnelle ont été abordées, les moyennes de ces variables ont été comparées au point milieu de l’échelle (4) à l’aide de Tests de Student pour échantillon unique. Enfin, une analyse de régression multiple expliquant l’appréciation du dispositif par l’évaluation de la fréquence des dimensions abordées a été réalisée.

Après soustraction de l’estimation de la charge de travail induite par le mentorat de l’estimation de son impact en termes de bien-être, de notes et de persévérance, ces scores de coûts-bénéfices ont été ramenés sur une échelle allant de -2 à +2. Afin d’interpréter l’ampleur du coût ou du bénéfice y afférant, leur moyenne a été comparée à 0 à l’aide de Tests de Student pour échantillon unique. Chacune de ces variables a ensuite été soumise à une régression linéaire multiple afin d’en déterminer la prédiction par les dimensions abordées lors des échanges.

Résultats

Impact de l’évaluation de la fréquence des 3D sur l’appréciation du mentorat

Les deux années consécutives, les items relatifs aux apports et à la positivité de l’expérience présentant une corrélation importante et significative (r = .77, p < .001 en 2019-2020 et r = .85, p < .001 en 2020-2021), la variable « appréciation du dispositif » a été créée en calculant leur moyenne.

Comme le montre la Table 1, la moyenne de cette appréciation est chaque année significativement supérieure au point milieu de l’échelle. Concernant l’évaluation de la fréquence des dimensions abordées lors des échanges, les résultats montrent que, chaque année, la moyenne de la dimension académique est significativement supérieure au point milieu de l’échelle et celle de la dimension professionnelle n’en diffère pas. En 2019-2020, la fréquence à laquelle la dimension personnelle a été abordée était significativement inférieure au point milieu de l’échelle mais n’en diffère plus en 2020-2021.

Les régressions linéaires multiples montrent que, chaque année, l’appréciation du dispositif est significativement prédite par l’évaluation de la fréquence à laquelle les trois dimensions considérées conjointement ont été abordées (F(3,119) = 11.36, p < .001, R² = .22 en 2019-2020 ; F(3,190) = 20.39, p < .001, R² = .24 en 2020-2021). Considérées séparément, il ressort que la dimension professionnelle prédit significativement l’appréciation du dispositif les deux années consécutives (β = .33, p < .001, [.xx; .xx] en 2019-2020 ; β = .34, p < 001, [.13; .34] en 2020-2021) tandis que la dimension personnelle, qui approche la significativité en 2019-2020, l’atteint en 2020-2021 (β = .23, p = .004, [.05; .26]).

Impact de l’évaluation de la fréquence des 3D sur le bien-être, la réussite et la persévérance

Les Tests de Student figurant à la Table 1 montrent que les coûts-bénéfices perçus en 2020-2021 en termes de bien-être, de réussite et de persévérance sont en réalité des bénéfices, lesquels sont significativement différents de 0. Les régressions linéaires multiples montrent que les bénéfices perçus en termes de bien-être (F(3,172) = 7.97, p < .001, R² = .12) et de persévérance ((F(3,169) = 8.73, p < .001, R² = .13) sont significativement prédits par les 3 dimensions considérées dans leur ensemble. Considérées séparément, il apparait que le bénéfice perçu en terme de bien-être est significativement prédit par l’évaluation de la fréquence à laquelle ont été abordées les dimensions professionnelle (β = .21, p = .019, [.02; .21]) et personnelle (β = .19, p = .036, [.01; .20]). Le même pattern s’observe pour le bénéfice perçu en terme de persévérance (respectivement, β = .23, p = .013, [.03; .23]; β =.19, p = . 032, [.01; .22] pour les dimensions professionnelle et personnelle).

Discussion et conclusion

La présente étude montre que le mentorat par les enseignants est apprécié des étudiants de première année et qu’ils y perçoivent un bénéfice en termes de bien-être, de réussite et de persévérance. Elle prolonge les travaux de Malen et Brown (2020) en montrant qu’une considération tridimensionnelle des étudiants prédit significativement l’appréciation du mentorat et ses bénéfices perçus en termes de bien-être et de persévérance. Des 3 dimensions considérées, si la dimension académique est la plus fréquemment abordée, les bénéfices susmentionnés sont imputables à la fréquence à laquelle les dimensions professionnelle et personnelle ont été discutées. Ainsi, nos résultats montrent qu’une considération tridimensionnelle des étudiants, au-delà du fait d’être appréciée par ceux-ci et de permettre un éventuel aiguillage vers des services transversaux, est en elle-même utile à leur transition dans le supérieur.



Références

Jacobi, M. (1991). Mentoring and undergraduate academic success: A literature review. Review of Educational Research, 61(4), 505-532. DOI:10.3102/00346543061004505

Johnson, W. B. (2015). On being a mentor: A guide for higher education faculty. Routledge, DOI: 10.4324/9781315669120

Malen, B. & Brown, T. M. (2020). What matters to mentees: centering their voices. Mentoring & Tutoring: Partnership in Learning, 28, 4, 480-497, DOI: 10.1080/13611267.2020.1793086.

Sneyers, E., & De Witte, K. (2018). Interventions in higher education and their effect on student success: A meta-analysis. Educational Review, 70(2), 208-228. https://doi.org/10.1080/00131911.2017.1300874

Tinto, V. (1993). Leaving College: Rethinking the causes and cures of student attrition (2nd. edition). Chicago: The University of Chicago Press.

[1] https://www.ares-ac.be/images/publications/etudes/ARES-Reussir-ses-etudes-2018-resume.pdf

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